Une mesure d’exécution d’un principe de réciprocité
Le règlement « IMPI » est un acte d’exécution d’un premier règlement 2022/1031 du 23 juin 2022 visant à favoriser la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics en réponse aux restrictions imposées par certains pays tiers à l’Union européenne : les états non membres de l’UE ou non signataires d’accords avec l’UE qui restreignent l’accès à leurs marchés publics aux états membres de l’UE peuvent faire l’objet de mesures similaires.
C’est dans ce cadre qu’intervient le règlement d’exécution du 19 juin dernier visant la République populaire de Chine.
La mesure d’exclusion a été prise à la suite d’une enquête reposant sur le principe de « proportionnalité », permettant de caractériser :
- D’une part une « restriction grave et récurrente » de l’accès des opérateurs économiques de l’UE aux marchés publics chinois : les pouvoirs publics chinois ont mis en place un système global de préférence applicable à l’acquisition de DM nationaux, lequel restreint considérablement l’accès des opérateurs de l’Union et des DM fabriqués dans l’UE aux marchés de la Chine. La préférence est en outre accordée aux DM importés qui sont associés au transfert de technologie à des entreprises nationales. 87% des marchés concernant des DM comportent des interdictions ou restrictions des DM européens.
- D’autre part l’absence d’incidence sur les sources d’approvisionnement disponibles en Europe ou dans d’autres pays pour compenser la mesure d’exclusion/restriction
Mise en œuvre de la mesure
Quels sont les marchés concernés ?
La mesure d’exclusion/restriction concerne les procédures d’un montant supérieur à 5 millions d’euros HT ayant pour objet les dispositifs médicaux correspondant aux codes CPV listant les équipements médicaux concernés. Les lots intégrés dans une procédure dont le montant global estimé est supérieur à ce seuil, sont tous soumis à la mesure, quelle que soit la valeur de chaque lot, et l’analyse s’opère lot par lot.
La mesure s’applique en outre aux consultations publiées à compter du 30 juin 2025 : elle ne s’applique donc pas aux procédures publiées avant, qu’elles soient en cours d’analyse des offres ou déjà notifiées. Elle n’a pas vocation à s’inscrire durablement dans le temps : en tant que mesure de réciprocité, elle fera l’objet d’un réexamen et peut évoluer selon l’évolution des négociations des instances européennes et chinoises.
Quelles sont les mesures concernées ?
Le règlement du 19 juin 2025 adopte une mesure d’exclusion et une mesure de restriction :
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Une mesure d’exclusion fondée sur la nationalité de l’opérateur économique : les offres de dispositifs médicaux soumises par des opérateurs économiques originaires de la RPC doivent être exclues, sans examen de l’offre.
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Une mesure de sanction en cours d’exécution fondée sur l’origine des produits : en cours d’exécution, la proportion des DM originaires de Chine ne doit pas représenter une valeur supérieure à 50% de la valeur totale du marché.
Ces deux mesures se traduisent par des obligations qui incombent aux acheteurs lors de la passation, et lors de l’exécution.
Quelles sont les obligations qui incombent aux acheteurs ?
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Des obligations de rédaction contractuelle
Les acheteurs doivent intégrer des clauses dans leur règlement de consultation (RC) et dans leurs documents d’exécution (CCAP ou CCTP).
Le règlement de consultation doit rappeler que les offres remises par des opérateurs de nationalité chinoises ne seront pas recevables (clause du règlement de consultation)
Le CCAP ou le CCTP doivent comprendre des clauses rappelant :
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l’interdiction de sous-traiter plus de 50% de la valeur totale du marché à des opérateurs économiques de nationalité chinoise ;
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l’interdiction d’atteindre une situation dans laquelle les DM originaires de chine représenteraient plus de 50% de la valeur totale du marché ;
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l’obligation de fournir à l’acheteur, à sa demande, une preuve du respect des obligations précédentes ;
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l’application de pénalités d’un montant compris entre 10% et 30% de la valeur totale du marché.
La DAJ a publié des exemples de clauses2 que UniHA a insérées dans ses marchés.
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Des obligations au stade de l’analyse des offres
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Des obligations au stade de l’exécution du marché
Si les offres excédant le seuil de 50% ne peuvent pas être déclarées irrégulières au stade de l’analyse des offres, elles doivent en revanche faire l’objet de sanction financière à l’échéance du marché : en fin d’exécution du marché, le titulaire doit établir la part de DM chinois facturée à l’établissement. Si cette part représente plus de 50% du montant facturé sur la durée totale du marché, le titulaire encourt une pénalité qui doit être prévue au contrat, entre 10 et 30% du montant du marché.
Le titulaire doit à ce titre remettre à l’acheteur les preuves adéquates permettant d’établir le respect ou non du seuil de 50%. La nature des preuves requises et les modalités de contrôle ne sont pas à ce jour précisées par la jurisprudence. L’acheteur peut s’en tenir à des attestations sur l’honneur des titulaires, ou à des preuves établissant l’origine des produits, ce point faisant l’objet d’une réglementation douanière très stricte.
A noter une difficulté particulière pour les accords-cadres à bons de commande ou à marchés subséquents : la DAJ rappelle qu’au sens du droit communautaire, un bon de commande est un marché, tout comme un marché subséquent5, de sorte que l’évaluation du seuil de 50% devrait se faire en fin d’exécution de chaque bon de commande ou de chaque marché subséquent si le montant du bon de commande ou du marché subséquent est supérieur à 221 000 euros HT.
Quelles sont les dérogations aux restrictions imposées par l’IMPI ?
Le règlement IMPI autorise les acheteurs à déroger aux mesures de l’IMPI :
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Dans le cas où seules des offres soumises par des opérateurs originaires de Chine répondent aux exigences du marché
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A la condition que les dispositifs médicaux de ces opérateurs originaires de Chine répondent à des exigences d’intérêt public.
Dans ces hypothèses de dérogation, l’acheteur doit informer la Commission au plus tard 30 jours après l’attribution du marché selon une modalité qui reste à mettre en œuvre par l’Etat.
Quelles sont les sanctions en cas de non respect des mesures de restrictions imposées par l’IMPI ?
Si l’acheteur retient une offre proposée par un opérateur originaire de Chine alors qu’il n’entre pas dans les hypothèses de dérogation, le marché est entaché d’irrégularité et peut être contesté par un candidat évincé.
Si à l’échéance du marché le seuil de 50% d’utilisation de produits originaires de Chine est dépassé, une sanction financière est appliquée au titulaire par l’acheteur (pénalité entre 10% et 30% du montant du marché).
A ce jour, la question reste en revanche entière sur la responsabilité de l’acheteur qui ne suivrait pas l’atteinte du seuil ou ne solliciterait pas les preuves nécessaires au contrôle du seuil et il convient d’attendre sur ce point que la jurisprudence se prononce.